Retard de croissance
Situation en Tunisie

Les dernières décennies ont été marquées par une amélioration remarquable des indicateurs nutritionnels chez les jeunes enfants tunisiens. En 1975, selon les données disponibles, 20,2% des enfants d'âge préscolaire présentaient une insuffisance pondérale pour leur âge (faible poids-taille). L'insuffisance pondérale, indicateur synthétique de malnutrition, peut refléter aussi bien un problème de maigreur (faible poids pour l'âge) qu'un problème de retard de croissance (petite taille pour l'âge). A cette époque, la maigreur étant déjà peu fréquente (1,3%), l'insuffisance pondérale observée était le reflet, pour l'essentiel, d'un ralentissement prononcé de la croissance staturale. De fait, 39,5% des jeunes enfants présentaient un retard de croissance (INN, 1978)1.
De nos jours, les prévalences de l'insuffisance pondérale et de la maigreur sont proches de celles de la population de référence (NCHS/OMS), soit respectivement 4,2% et 1,1% selon l'enquête nationale de nutrition de 1996/97 (INN, 2000)2 et 4,0% et 2,2% d'après l'enquête Multiple Indicator Cluster Surveys 2 (DSSB, 2000)3. La prévalence du retard de croissance, bien que supérieure à celle que l'on peut trouver dans une population en bonne santé, peut être considérée comme faible selon les critères de l'OMS, et sans commune mesure avec les chiffres du passé : 8,3% des enfants de 0-5 ans sont concernés d'après l'enquête nationale de 1996/97, et 12,3% selon la MICS 2 (INN, 2000 ; DSSB, 2000). Le retard de croissance semble apparaître très tôt, dès les premiers mois de la vie (figure 1).

Figure 1 : Prévalence du retard de taille selon l'âge en 1996-97 (INN, 2000)
Les prévalences observées restent significativement plus élevées en milieu rural qu'en milieu urbain (11,2% vs 6,2% selon l'enquête 1996/97 et 23,4% vs 10,4% selon la MICS 2). De même, La désagrégation des données par régions révèle une disparité interrégionale marquée : les régions du Sud et du Centre Ouest présentent des prévalences plus élevées que le reste du pays (figure 2).
Figure 2 : Prévalence (%) du retard de croissance du jeune enfant selon les régions
Les inégalités rural/urbain et entre régions conduisent à considérer deux ensembles clairement contrastés de ce point de vue: d'une part le Sud et le Centre Ouest les plus touchés par ce problème nutritionnel, et d'autre part l'ensemble du Grand Tunis, du Nord Est, du Nord Ouest et du Centre Est, régions majoritairement urbaines, moins affectées par le retard de taille.
Ainsi le problème du retard de croissance staturale du jeune enfant, s'il a régressé de manière spectaculaire, n'a pas totalement disparu dans certaines régions. L'expérience d'autres pays, confrontés à des crises économiques ou à des inégalités sociales de plus en plus marquées au cours de leur croissance, a montré qu'il est utile de suivre l'évolution de ce problème afin d'anticiper une remontée toujours possible de la prévalence chez les plus pauvres ou les laissés pour compte de l'évolution économique. Ces risques de disparités sont notamment à considérer dans la perspective actuelle d'intégration progressive de la Tunisie au marché libre, qui peut aussi s'accompagner de changements marqués dans la structure de l'alimentation de certaines catégories sociales.
Il était donc intéressant à double titre de se pencher sur les déterminants locaux du retard de croissance : pour comprendre d'une part à quoi était due cette spectaculaire régression de la prévalence par le passé, et pour favoriser d'autre part une meilleure prévention là, où ce problème reste d'actualité, tout en surveillant toute possibilité d'évolution défavorable pour des raisons économiques et sociales au cours de la décennie présente.
Pour concrétiser ces deux démarches, et dans une première étape, un modèle causal hypothétique a été élaboré par un groupe multidisciplinaire de chercheurs. Ensuite, les différents paramètres susceptibles d'influencer le retard de croissance ont été examinés à la lumière des données locales disponibles. Enfin et, en regard de ce cadre conceptuel, une série d'indicateurs a été suggérée pour assurer le suivi de la situation dans ce domaine, en relation avec la mise en place d'un programme national de surveillance nutritionnelle.

Références
1-Institut National de Nutrition (1978) - Enquête nationale de nutrition - Tunis - (rapport préparé pour le Ministère de la Santé Publique).
2- Institut National de Nutrition (2000) - Evaluation de l'état nutritionnel de la population tunisienne - Enquête nationale 1996/97 - Tunis : Ministère de la Santé Publique - 312 p.
3- Direction des Soins de Santé de Base (2000) - Enquête nationale sur la santé et le bien-être de la mère et de l'enfant.- Tunis : Ministère de la Santé Publique. Tome II - 227 p.