Alimentation
Situation en Tunisie
La consommation des produits alimentaires :
- L'évolution de la consommation alimentaire depuis trente ans par principaux groupes d'aliments
- Les différences entre ruraux et urbains
- Les différences entre Tunis et le milieu communal

Les apports nutritionnels : la consommation traduite en valeurs nutritionnelles : énergie (calories) et son origine, lipides, protéines.

Les pratiques et représentations alimentaires :
- Les modes d'approvisionnement alimentaire des ménages
- Les lieux de consommation
- Les représentations

Les facteurs déterminants les changements alimentaires
- L'offre alimentaire : la production agricole et ses usages et les importations alimentaires permettent d'évaluer les disponibilités alimentaires.
- La demande alimentaire : elle est déterminée par les préférences, elles mêmes soumises à diverses influences, et par le pouvoir d'achat.

La consommation des produits alimentaires
L'évolution de la consommation alimentaire depuis trente ans par principaux groupes d'aliments
Depuis plus de trente ans, l'Institut National de Statistique tunisien réalise tous les cinq ans une enquête nationale sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages. La mise en perspective des résultats de ces enquêtes montre la continuité et les changements du régime alimentaire des Tunisiens.
Figure 1 : Evolution de la consommation des principaux groupes d'aliments
en Tunisie de 1968 à 2000. (kg/pers/an)
Source : Données INS, Enquêtes nationales sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages

Le régime alimentaire tunisien reste basé sur les céréales qui apportent environ la moitié de l'énergie de la ration. Leur consommation tend cependant à baisser depuis le milieu des années 80. Le blé tendre se substitue progressivement au blé dur avec l'augmentation de la consommation de pain de farine. Les produits de base amylacés se diversifient. La consommation de pomme de terre, classée dans les légumes, atteint près de 20 kg/pers/an.
On note surtout une hausse très marquée depuis plus de trente ans de la consommation de produits animaux : viandes, œufs et produits laitiers, tandis que la consommation de légumineuses et de poisson reste assez stable, voire baisse légèrement pour les légumineuses.
La consommation de fruits et de légumes autres que la pomme de terre est aussi en augmentation. Cette évolution est plutôt favorable à la santé. Par contre, l'augmentation de la consommation des huiles et corps gras est à surveiller.
Globalement, la ration alimentaire aujourd'hui apparaît plus diversifiée qu'il y a trente ans.

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Les différences entre ruraux et urbains
On note une différence importante entre les milieux rural (non communal) et urbain (communal) liée à la fois au plus fort pouvoir d'achat des citadins et à leur mode de vie différent. Dans un pays qui poursuit son urbanisation, cette différence révèle une tendance globale d'évolution de la ration alimentaire, les modèles citadins influençant, on le sait, ceux des ruraux.
Figure 2 : Quantités consommées des principaux groupes d'aliments
selon le milieu en 2000 (kg/pers/an)
Source : Données INS, Enquête nationale sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages de 2000

Globalement, les citadins mangent moins de céréales que les ruraux mais c'est surtout la nature des céréales qui change entre les deux milieux. Alors qu'en milieu rural le blé dur (semoule pour pain, couscous et pâtes) représente plus des ¾ des céréales consommées, en milieu urbain, le pain de blé tendre représente plus de la moitié des céréales.
Les pommes de terre et autres légumes frais et en conserve, les légumineuses, les viandes et volailles, les poissons, le lait et les produits laitiers, les œufs sont nettement plus consommés en ville.
Seule la consommation des sucres et produits sucrés et des huiles et graisses apparait relativement similaire selon les milieux.


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Les différences entre Tunis et le milieu communal
Si l'on compare le district de Tunis, très urbanisé, avec le milieu communal, intégrant petites et grandes villes, on constate des différences plus nuancées :

Tableau 1 : Les quantités consommées entre le District de Tunis et le milieu communal
en 1995 (kg/pers/an)
Aliments
Milieu communal
District de Tunis
Céréales
164,6
160,3
dont pain de blé tendre
85,5
97,1
dont semoule de blé dur
16,6
9
Légumineuses sèches et vertes
10
11,3
Légumes
133,5
135,8
dont pomme de terre
19,4
18,6
Huiles et corps gras
22,6
18,7
dont huile d'olive
6,1
1,8
Viandes et volailles
25,6
26,5
Poissons
7,7
5,8
Lait et Produits laitiers
81,4
97,2
dont lait frais en vrac
15,9
13,6
dont lait industriel
31
41,9
dont yaourts (nbre de pots)
38
41
Œufs (pièces)
117
108
Fruits
49,7
41,1
Sucres et produits sucrés
16,2
16
Source : Données INS, Enquêtes nationales sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages de 1995

Les tendances observées précédemment entre ruraux et urbains sont encore plus marquées pour Tunis pour certains produits seulement : le pain de blé tendre, les légumes et les produits laitiers poursuivent leur progression dans l'alimentation, la semoule de blé dur continue de diminuer.
Pour d'autres aliments, la consommation se stabilise voire commence à diminuer : c'est le cas pour les légumes, les viandes et volailles et les œufs. La tendance à la diminution est plus marquée pour les fruits et, de façon spectaculaire pour l'huile d'olive. Cette évolution est inquiétante car ces deux derniers aliments sont connus pour leurs effets protecteurs des maladies non transmissibles liées à l'alimentation comme les maladies cardio-vasculaires et certains cancers.
La consommation de poissons apparaît moins liée à l'urbanisation mais plus aux habitudes liées par la proximité de la mer.
Ces données méritent cependant d'être considérées avec prudence. La consommation alimentaire s'effectue en ville de façon non négligeable en dehors du domicile et ne peut donc être facilement prise en compte par des enquêtes réalisées auprès des ménages sur leur consommation à domicile. Certains aliments que l'on consomme au restaurant, dans la rue, sur le lieu de travail ne sont pas complètement pris en compte ce qui peut se traduire par des sous-estimations de certaines consommations.

 
Les apports nutritionnels
Alors que la Tunisie connaissait il y a encore vingt ans de nombreux cas de malnutritions par carence dans plusieurs régions, cette situation s'est aujourd'hui largement améliorée.
Au niveau national, la valeur énergétique de la ration alimentaire a progressivement diminué au cours de la période 1975-85 puis s'est stabilisée pour augmenter depuis les années 90 et atteindre un niveau supérieur à la recommandation de l'OMS de 2274 kcal/pers./j. Ce niveau représente un seuil au delà duquel on estime qu'une part limitée de la population n'assure pas une couverture de ses besoins énergétiques minima.
La valeur lipidique de la ration reste globalement constante et varie entre 67 et 69 g/pers/j. La valeur protéique de la ration tend à diminuer depuis 1980 passant de 68 à 58 g/pers/j. mais la couverture des besoins apparaît toujours bien assurée et la part des protéines animales augmente régulièrement. La couverture reste par contre insuffisante en fer, en calcium, en riboflavine et en niacine. Ces couvertures moyennes ne doivent pas cacher des disparités internes entre milieux, entre régions ou entre groupes de population.
La répartition calorique par groupe d'aliment a légèrement évolué.

Tableau 2 : Evolution de la part des groupes d'aliments dans la ration calorique
de 1980 à 2000 en %

Produits
1980
1985
1990
1995
2000
Céréales
59,0
59,2
56,7
50,9
54,2
Légumineuses
1,9
1,7
2,0
1,8
2,0
Légumes
4,5
4,8
5,1
4,7
5,5
Fruits
1,7
2,2
2,3
2,0
2,8
Viandes & volailles
4,1
4,0
4,3
4,7
5,7
Poissons
0,4
0,4
0,4
0,4
0,5
Lait, prod. laitiers & œufs
5,2
4,5
5,0
5,0
5,9
Sucre et produits sucrés
6,5
6,5
6,0
6,9
5,1
Huiles et corps gras
16,2
16,1
17,5
23,0
17,6
Boissons
0,5
0,6
0,7
0,6
0,8
100
100
100
100
100
Source : Nos calculs à partir des données de l'INS, Enquêtes nationales sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages
L'énergie apportée par les céréales tend à diminuer. Celle apportée par les matières grasses, les produits animaux (viandes, poisson, produits laitiers et œufs) et les fruits et légumes tend à augmenter.
 
Les pratiques et représentations alimentaires

Les modes d'approvisionnement des ménages
Compte tenu de l'urbanisation et de la pénétration de produits alimentaires industriels en milieu rural, la part de l'autoconsommation dans l'approvisionnement des ménages a régulièrement baissé depuis les 30 dernières années. En milieu rural, l'autoconsommation de céréales est ainsi passée de plus de 25 % en 1975 à moins de 2 % en 2000. Elle reste cependant significative voire importante pour quelques produits en milieu rural : l'huile d'olive, les œufs, le lait, la volaille et certains fruits et légumes. Elle se réduit régulièrement en milieu communal et est devenue très faible dans le Grand Tunis.

Même si la grande majorité des ménages du Grand Tunis continuent à être fidèles au marché et aux épiceries pour leurs achats alimentaires, la grande distribution se développe rapidement depuis quelques années. On ne connaît pas encore son incidence sur les comportements alimentaires.

Les lieux de consommation
Les dépenses alimentaires hors foyer croissent depuis une quinzaine d'années et atteignent 9,4 % du budget alimentaire total en 2000 contre 7% en 1990 pour l'ensemble du pays. Ce taux est plus élevé dans les grandes villes où il dépasse 15 %. La restauration et la vente de rue d'aliments prêts à consommer (cantines, restaurants, fast-food, pâtisseries) se développent en raison notamment de l'amélioration du niveau de vie des ménages, du développement des services de restauration de proximité, de l'activité croissante de la femme hors du domicile, des contraintes de transport et de l'aménagement du temps de travail.

Tableau 3 : Evolution des dépenses alimentaires hors foyer entre 1990 et 2000
Dépenses alimentaires hors foyer
Ensemble du pays
Milieu Communal (urbain)
1990
2000
1990
2000
en Dinars/pers/an
20,0
47,3
26,8
62,0
en %
7,0
9,4
8,0
10,7
Source : Données INS, Enquêtes nationales sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages
 

Les représentations alimentaires
Les valeurs sociales et culturelles associées aux produits traditionnels, aux pratiques de préparation ou aux formes de commensalité, l'attachement aux produits de terroirs, la sensibilité aux messages concernant l'alimentation et la nutrition ont sans doute subi des changements du fait de l'urbanisation, et de la publicité de masse, de l'instruction et de l'intérêt de plus en plus porté aux produits transformés. Mais ces phénomènes restent peu étudiés en Tunisie alors qu'ils déterminent fortement les évolutions futures des comportements alimentaires.

 
Les facteurs déterminants des changements alimentaires
Les changements que connaît la consommation alimentaire trouvent leurs sources dans plusieurs facteurs, liés d'une part à l'offre alimentaire et d'autre part à la demande.

L'offre alimentaire
Au cours des dernières années, l'offre alimentaire a subi des modifications profondes matérialisées par :
- un accroissement rapide de la production agricole ;
- une ouverture accrue sur les marchés extérieurs suite à la réforme de la politique régissant les échanges extérieurs et la signature des accords de l'OMC et de l'accord d'association avec l'Union Européenne ;
- un développement de l'industrie agro-alimentaire.
Sur les 20 dernières années (1981-2000), le taux d'accroissement annuel moyen de la production agricole a été de 3,3 % alors que le taux d'accroissement annuel moyen de la population tunisienne n'a été que de 2,1% au cours de cette même période.

Tableau 4: Evolution de la production de quelques produits agricole (en 1000 tonnes)

Produits
1981-1985
1986-1990
1991-1995
1996-2000
Taux d'accroissement
annuel de 1980 à 2000
Blé dur
744
568
958
1074
+ 2.2 %
Blé tendre
174
151
206
225
+ 1.5 %
Légumineuse
64
51
62
47
- 2.3 %
Pomme de terre
137
187
216
291
+ 4.9 %
Tomates
370
455
524
749
+ 4.7 %
Olives à huile
525
503
845
865
+ 3.2 %
Agrumes
188
246
219
219
+ 1 %
Dattes
52
70
76
94
+ 3.7 %
Viande bovine
29
34
40
47
+ 3.2 %
Viande ovine
28
34
36
43
+ 2.8 %
Viande de volaille
42
44
53
72
+ 3.4 %
Produits de la mer
70
94
87
89
+ 1.7 %
Œufs(en million pièce)
910
1027
1053
1366
+ 2.8 %
Lait
278
366
483
872
+ 7.2 %
Source : Ministère de l'Agriculture, de l'Environnement et des Ressources Hydrauliques ; Budget économique et Annuaire des statistiques agricoles (divers numéros)
 
Cette évolution soutenue a touché presque tous les produits alimentaires. Elle s'est traduite par une augmentation des disponibilités sur le marché intérieur et par un développement des exportations (huile d'olive, dattes, agrumes, produits de la mer et vins et liqueurs).
Les importations alimentaires ont fortement augmenté depuis 20 ans. Mais, alors que le taux de couverture de ces importations par les exportations agro-alimentaires était de 43 % sur la période 1981-85, il est passé à plus de 78 % sur la période 1996-2000.
Tableau 5 : Evolution des importations alimentaires (quantités en 1000 T)
Produits
1981-1985
1986-1990
1991-1995
1996-2000
Blé dur
234
396
188
300
Blé tendre
463
664
722
871
Lait et dérivés
340
303
32
17
Viandes
13
12
11
4
Huiles alimentaires
68
123
149
185
Sucre
178
185
217
266
Source : Ministère de l'Agriculture, de l'Environnement et des Ressources Hydrauliques ; Budget économique et Annuaire des statistiques agricoles (divers numéros)
La Tunisie importe environ 80 % du blé tendre qu'elle consomme. Elle importait plus de la moitié du lait et produits dérivés qu'elle consommait au début des années 80 et est devenue presque auto-suffisante pour ces produits du faut du fort accroissement de la production nationale. Le pays importe des quantités croissantes d'huiles végétales, de moindre valeur nutritionnelle que l'huile d'olive produite dans le pays mais mieux valorisée à l'exportation.
Enfin, les importations de sucre sont également en constante augmentation.
En définitive, l'amélioration de la production d'une part et la dynamique des échanges extérieurs d'autre part ont contribué à l'augmentation des disponibilités alimentaires.
Figure 3 : Evolution des disponibilités alimentaires en Tunisie
(moyennes triennales en kg/pers/an)
Source : FAO, base de données FAOSTAT consultation novembre 2004
Ces disponibilités sont issues d'un calcul de la production nette d'utilisations non alimentaires ajoutée au solde des échanges extérieurs (importations - exportations) rapportée à la population. L'examen des évolutions depuis la fin des années 60 confirme l'accroissement général de la consommation observé par l'analyse des résultats d'enquêtes alimentaires auprès des ménages.
Ces données, traduites en valeurs nutritionnelles, apparaissent en partie contradictoires avec les valeurs issues des enquêtes.
Tableau 6 : Evolution des disponibilités alimentaires totales
exprimées en valeurs nutritionnelles
1968-70
1971-73
1974-76
1977-79
1980-82
1983-85
1986-88
1989-91
1992-94
1995-97
1998-00
Energieen kcal/pers/j
2347
2518
2622
2734
2830
2961
3082
3124
3177
3215
3345
Proteinesen g/pers/j
60
66
71
76
77
81
84
84
86
88
91
Lipides en g/pers/j
65
65
70
64
74
79
82
84
84
86
99
Source : FAO, base de données FAOSTAT consultation novembre 2004
Les disponibilités sont supérieures aux valeurs nutritionnelles des consommations. Ceci est normal compte tenu des différences de méthodes. L'évolution des disponibilités caloriques suit celle observée sur les consommations, autrement dit, une augmentation. Par contre, les disponibilités en lipides et en protéines augmentent régulièrement depuis plus de 30 ans alors que la comparaison des enquêtes de consommation menées depuis 1980 montre au contraire une relative stabilité pour les lipides et une diminution pour les protéines.
 
La demande alimentaire
La demande alimentaire est d'abord façonnée par les habitudes et les préférences, relativement stables dans le temps. Ces préférences sont influençées par divers facteurs, économiques, sociologiques et culturels, liés notamment à l'urbanisation, aux brassages de population et aux échanges internationaux.
Au niveau national, l'autoconsommation des produits alimentaires baisse régulièrement depuis plusieurs décennies. L'accès à l'alimentation se fait désormais majoritairement par le biais des achats. Par conséquent, les revenus monétaires des ménages et les prix des aliments constituent des facteurs de différenciation et de sécurité alimentaire plus importants qu'auparavant.
En moyenne, les revenus monétaires des ménages tunisiens ont augmenté. Cela dit, on observe une baisse régulière de la part du budget des ménages consacrée à l'alimentation. De 41,7 % en 1975 et 1980, cette part représentait 38 % en 2000. Cette baisse du coefficient budgétaire alimentaire constitue un indicateur de l'amélioration du niveau de vie.
L'augmentation des dépenses ne s'est pas faite à la même vitesse pour tous les groupes de produits :
Figure 4 : Dépenses par personne et par an pour les principaux groupes d'aliments de
1975 à 1995 (en Dinars tunisien courant/pers/an)
Source : Données INS, Enquêtes nationales sur le budget, la consommation et le niveau de vie des ménages
Les dépenses par personne en viandes, légumes, céréales, laits et produits laitiers et boissons et repas pris à l'extérieur ont augmenté nettement plus vite que les dépenses pour les autres produits.